Le 4 février dernier, Ibuka-Europe, avec une immense peine, a pris  connaissance de la décision de la Chambre d’Appel du TPIR d’acquitter  deux anciens membres du gouvernement ayant pris en charge la direction  politique des massacres des Tutsi entre avril et juillet 1994. Le  premier, Justin Mugenzi, assurait les fonctions de ministre du Commerce  quand le second, Prosper Mugiraneza, détenait le portefeuille de la  Fonction publique du gouvernement intérimaire autoproclamé  au cours du  génocide anti-Tutsi perpétré au Rwanda en 1994. 
 
Condamnés en première instance à 30 ans de prison pour «entente en  vue de commettre le génocide» et «incitation directe et publique au  génocide» de 1994 au Rwanda, ces deux anciens ministres de ce sinistre  gouvernement intérimaire, viennent d’être curieusement blanchis en appel  par le président de la Chambre d’appel, le juge Theodor Meron dont la  motivation est basée sur une hypothèse et non sur des faits réels. 
 
Ibuka-Europe juge cette décision scandaleuse et traumatisante  non  seulement pour toutes les victimes  du génocide commis au Rwanda en 1994  contre les Tutsi par le Hutu Power et ses complices mais aussi pour  l’humanité entière consciente de ce crime des crimes contre l’humanité.  D’une part, cet arrêt porte une très grave atteinte à la mémoire des  victimes du génocide, d’autre part, il vient introduire une confusion  par rapport à la condamnation par votre tribunal du Premier ministre de  ce gouvernement criminel: Monsieur Jean Kambanda. Faut-il conclure qu’il  dirigeait alors un gouvernement fantôme ? Faut-il en conclure qu’il est  blanchi lui-aussi ainsi que son gouvernement intérimaire et que le TPIR  est sans raison d’être ? 
 
Sur les faits, peut-on raisonnablement soutenir que la destitution  et le massacre du préfet ainsi que de toute sa famille répondaient à des  considérations étrangères à la politique d’extension du génocide dans  une préfecture jusqu’alors préservée? Avancer que ce dernier ait pu être  démis puis assassiné pour des raisons d’ordre administratif ou  politique relève au mieux de la naïveté, au pire, de la mauvaise foi.  Rappelons que l’assassinat du préfet donna le signal de l’extermination  des Tutsi de Butare, préfecture qui compte le plus grand nombre de  victimes. 
 
Par ailleurs, Ibuka-Europe s’interroge sur le travail du procureur:  comment expliquer que ces deux membres du gouvernement dont l’autorité  s’étendait sur l’ensemble du territoire national n’aient été poursuivis  que pour les faits concernant Butare et sur une période extrêmement  restreinte? Le résultat des lacunes de l’enquête du procureur conjuguées  à l’interprétation douteuse des faits par les juges d’Appel conduira  inévitablement à alimenter le discours négationniste, qui depuis  quelques années fait fond sur l’absence de planification du génocide  pour recycler l’antienne des « massacres spontanés ». La première  déclaration de Justin Mugenzi n’a-t-elle d’ailleurs pas consisté à  exonérer le gouvernement intérimaire de sa responsabilité dans  l’organisation du génocide? Au-delà de la logique juridique, le TPIR ne  peut éviter que soit posée la question de la portée morale et politique  de ses décisions à propos d’un événement d’une telle ampleur. Le bilan  du tribunal ne manquera pas d’être apprécié à l’aune des moyens  considérables mis à sa disposition pour mener ses missions, surtout  quand ces dernières sont conduites avec une désinvolture manifeste,  s’agissant d’affaires d’une gravité toute particulière. 
 
Tout se passe en effet comme si les acquittements récents  constituaient simplement, avant la fermeture du TPIR, une tentative de  réponse aux critiques croissantes sur les échecs du tribunal et sur le  soit disant équilibre à rechercher par des jugements purement politiques  pour diluer les responsabilités dans le génocide des Tutsi. 
 
L’impunité que le TPIR est en train de garantir aux hauts  responsables du gouvernement intérimaire notamment les membres de son  cabinet, malgré les aveux du Premier ministre de l’époque Monsieur Jean  Kambanda et les faits de notoriété publique, est un signe extrêmement  dangereux aussi bien pour le Rwanda que pour d’autres pays. Le génocide  des Tutsi n’aurait pas été possible sans la préparation, la coordination  et la supervision des autorités civiles et militaires de l’époque.  C’est cette logique qui a d’ailleurs guidé le travail du TPIR qui s’est  concentré sur le haut de la pyramide des génocidaires. Les acquittements  basés sur des procès menés en dessous de tout standard ne feront que  renforcer les génocidaires dans leur idée qu’il est impossible de juger  un tel crime. Le TPIR qui avait pourtant posé certaines bases utiles,  est en train de ruiner son propre travail à la veille de sa fermeture.  Il serait tout  à votre honneur de clôturer les travaux de ce tribunal  en affirmant le refus d’impunité aux auteurs de crimes gravissimes et  juridiquement imprescriptibles tels que ceux commis pendant  le génocide  perpétré au Rwanda contre les Tutsi  en 1994. 
 
Ibuka-Europe en appelle d’abord à votre responsabilité quant aux  conséquences de vos décisions désastreuses tant sur les rescapé(e)s, en  particulier ceux de Butare, qui se sentent humilié (e)s et nié(e) s dans  leur statut de victimes que sur le million de génocidé(e)s pour ce  qu’ils (elles) étaient. 
 
Nous déplorons et dénonçons  ensuite les signaux encourageants que  vous donnez de cette façon à tous ceux et celles qui nient la réalité de  cette entreprise d’extermination, laquelle a bel et bien requis les  moyens de l’Etat, incarné dans son gouvernement, pour atteindre une  telle efficacité. 
 
Nous comptons enfin sur votre sens de l’équité et sur  l’imprescriptibilité du crime des crimes contre l’humanité pour que cet  arrêt soit cassé et que le TPIR soit débarrassé de l’abus de droit. 
 
Ibuka-Europe le 13 février 2013 
 
Au nom de Ibuka-Europe 
 
Mr Eric Didier Rutayisire, Président 
 
Mr Emmanuel Usabayezu, Secrétaire général Ibuka-Belgique 
 
Ibuka-Europe 
 
Section Belgique : Mr Eric Didier Rutayisire, Président 
Section France : Mr Marcel Kabanda, Président 
Section Hollande : Mlle Émérence Uwimbabazi, Présidente 
Section Suisse : Mr Dr Michel Gakuba, Président 
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