Le “Botroul” vit à l’heure de la mémoire du génocide des Arméniens.

Heureuse et surtout très utile initiative que celle d’Antranig Zarmanian, un citoyen belgo-arménien d’Ottignies qui par piété filiale mais aussi par devoir de mémoire envers le génocide subi par son peuple il y a 97 ans a amené à Ottignies-LLN, l’intéressante exposition réalisée à l’initiative du Centre communautaire laïc juif autour de ce génocide à partir d’une réflexion sur tous les génocides du XXe siècle. Une exposition qui, comme on le lira ci-dessous, sera complétée pendant toute la décade de sa tenue par diverses initiatives autour précisement de la mémoire de ce génocide qui n’a pas encore été reconnu tout à fait comme il sied sous la pression de la Turquie.

On lira en pages "Belgique" tout le bien que l’on peut penser de cette exposition aux visées très pédagogiques réalisée par Ina Van Looy et son équipe mais il nous a semblé intéressant d’approfondir aussi la démarche de son initiateur.

Antranig Zarmanian qui fut comptable sur le plan professionnel n’est pas un inconnu pour les amateurs de chant choral de la région. De fait, il a prêté sa voix à plusieurs d’entre elles dans le centre du Brabant wallon et chante du reste encore mais il n’avait guère faire part de son "arménité". Pourtant, il avait pu la découvrir progressivement chez ses parents et plus particulièrement chez son père Dikran qui, dès les années 1920, soit peu de temps après le génocide avait confié à des feuilles volantes ses souvenirs d’exode.

En 1953, suite à la demande d’une revue arméno-américaine, Dikran Zarmanian avait fini par les rédiger de manière plus systématique dans quatre cahiers d’écolier. Lesdits cahiers avaient ensuite disparu mais finirent par être retrouvés et rendus au fils de Dikran.

Près d’un demi-siècle après leur rédaction, Antranig Zarmarian et le filleul de son père, Aram Djambazian avaient traduit ses souvenirs en français. Et ils ont finalement pu être édités avec une préface de Michel Mahmourian, infatigable militant de la cause arménienne en Belgique.

Présent à la conférence de presse de lancement de l’exposition, Antranig Zarmanian qui se dit "à 100 % Arménien et à 100 % Belge" n’a pu cacher son émotion de pouvoir contribuer de la sorte à un devoir de mémoire à la fois très intime et très citoyen puisqu’il y va aussi de l’histoire de son peuple. Il fut ainsi aussi à la base de la célébration d’une messe arménienne en l’église décanale d’Ottignies.

"Immergé dans ce passé, je n’ai jamais voulu être que le simple phonographe du récit de mon père mais il m’a fallu attendre le 65e anniversaire du génocide pour me rendre compte de son importance. C’est la vision d’une pièce sur la rafle de Constantinople qui m’a vraiment fait prendre conscience de la gravité du génocide." Mais comme tous les vrais humanistes, Antranig Zarmanian est de ceux qui pensent que si l’on ne peut jamais oublier, l’on doit tout mettre en œuvre pour se rapprocher des ennemis d’antan. "Je ne pense pas que le centenaire du génocide en 2015 permettra cette réconciliation définitive car l’on ne manquera pas de réveiller de vieux démons mais d’ici 15, 20 ans, ce sera possible !" Et Antranig ne sera pas le dernier à faire la démarche : "Moi, je suis prêt à tendre la main pour autant que tous fassent ce geste", conclut-il de manière réaliste mais pas moins optimiste.

Christian Laporte

18 avril 2012

 Lalibre.be