Les Menaces Turques d’Expulsion des immigrés Arméniens pour faire un coup politique sont honteuses

Les déportations ont un symbolisme puissant dans l’histoire moderne de l’Europe. La notion que le gouvernement d’un pays, dont la volonté est de devenir membre de l’UE, pourrait proposer l’expulsion collective forcée de son territoire d’une nationalité spécifiée devrait être impensable. Mais la menace de cette éventualité a été envisagée hier par Recep Tayyip Erdogan, le Premier Ministre turc, contre 100 000 immigrés arméniens.

Sa prétendue justification a été le vote récent de résolutions déclaratives par le Congrès [la Commission des Affaires Etrangères de a Chambre des Représentants] des USA et au Parlement suédois. Ces motions qualifient de génocide le massacre de masse d’Arméniens dans l’empire ottoman pendant et après la Première Guerre Mondiale. La Turquie fait de la qualification de génocide une question majeure. L’histoire et la politique des relations entre la Turquie et l’Arménie est compliquée, mais les principes éthiques sur lesquels sont fondées les remarques de M. Erdogan ne le sont pas. Son intervention est démagogique et déshonorante.

Les votes US et suédois ont été acquis à une majorité étroite et contre leur gouvernement respectif. Les événements qu’ils rappellent ont commencé avec les massacres d’Arméniens dans l’empire ottoman en 1915. Le mot même de "génocide" est une création d’après 1945, dont le but était de définir la particulière barbarie du nazisme. Ce n’est que graduellement que les massacres d’Arméniens ont commencé à être reconnus comme le premier cas authentique de génocide du 20ème siècle. Mais ils l’étaient. D’après des estimations conservatives, environ un million d’Arméniens ont été tués au cours d’une purge xénophobe qui continua en 1923. C’était un crime sans précédent dans l’histoire moderne.

La vérité historique compte. Il est extraordinaire que le gouvernement de la Turquie moderne puisse y résister. Nulle personne encore vivante aujourd’hui n’était responsable de ces barbaries. Elles ont été commises par une puissance impériale passée depuis longtemps dans l’histoire en même temps que l’Allemagne du Kaiser, à laquelle elle était alliée au cours de la Première Guerre Mondiale. Alors en campagne électorale, Barack Obama avait déclaré son intention d’être ce dirigeant qui dit la vérité sur le Génocide Arménien. En pratique, bien que ses vues n’aient pas changé, M. Obama a été conciliant dans ses relations avec la Turquie.

M. Erdogan n’a que peu de raisons de se plaindre de la diplomatie symbolique des résolutions sur les événements historiques. Il n’a pas de justification du tout pour ses menaces contre les immigrés arméniens. Peu discuteront que les nations souveraines ont le droit de fixer des barrières à l’entrée des non-citoyens, mais ceux-là sont des migrants qui ont cherché refuge après un désastre. Formant une population paupérisée faisant un travail nécessaire mais peu rémunéré, il y en a parmi eux beaucoup qui ont perdu leur maison et leurs moyens de subsistance après le tremblement de terre de 1988. M. Erdogan a estimé le 17 mars que sur 170 000 Arméniens en Turquie, 70 000 seulement avaient la citoyenneté turque. Il a directement menacé de dire aux autres de s’en aller.

La Turquie est un état membre de l’Otan et une puissance stratégiquement importante dans l’alliance occidentale. Elle est frontalière avec l’Irak, dans la stabilité de laquelle les démocraties de l’ouest ont un grand intérêt. Mais le gouvernement d’Ankara ne peut pas exploiter ce statut pour avancer dans ses propres objectifs politiques au mépris des valeurs libérales. S’opposer à la reconnaissance historique de crimes redoutables est un acte humiliant et destructeur. Mais s’en prendre alors aux personnes les plus vulnérables dans les frontières de la Turquie, c’est trop.

The Times/UK

18 mars 2010

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