"Ce qu'il s'est passé ici est une défaite pour l'humanité. Ce qu'il s'est passé ici a laissé une trace indélébile. (...) Ce qu'il s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable", a déclaré Nicolas Sarkozy, jeudi 25 février, lors d'une conférence de presse commune avec le président du Rwanda, Paul Kagamé, à Kigali.

"Nous devons voir plus loin, pour organiser la réconciliation. Des erreurs d'appréciation, des erreurs politiques ont été commises ici et ont eu des conséquences absolument dramatiques", a poursuivi le président. "Nous voulons que les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis. Il n'y a aucune ambiguïté. Je l'ai dit au président Kagamé, ceux qui ont fait ça, où qu'ils se trouvent, doivent être retrouvés et punis", a encore déclaré M. Sarkozy.

"Est-ce qu'il y en a en France ? C'est à la justice de le dire. Nous venons de refuser l'asile politique à une des personnes concernées, et il y a une procédure judiciaire engagée", a-t-il également indiqué en faisant référence, sans la nommer, à Agathe Habyarimana, la veuve du prédécesseur de Paul Kagamé.

"Nous allons essayer de construire une relation bilatérale où nous allons explorer une nouvelle façon de s'entraider. La France veut aider le Rwanda et nous allons construire une coopération politique, économique et culturelle", a conclu le chef de l'Etat, dans une optique de réchauffement des relations franco-rwandaises.

PLUS DE 800 000 MORTS

La visite du président français au Rwanda est destinée à sceller la réconciliation entre la France et le Rwanda après des années de brouille. Au début de sa visite, le chef de l'Etat français, accompagné des ministres rwandais des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, et de la culture, Joseph Habineza, a d'abord observé une minute de silence devant l'une des quatorze fosses communes du mémorial, où sont inhumés les corps de plus de deux cent cinquante mille victimes, et y a déposé une gerbe. Avec sa délégation, qui comprend le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy a ensuite visité le musée pendant vingt minutes.

Celui-ci retrace l'histoire du Rwanda depuis la colonisation belge jusqu'au génocide, qui a fait plus de huit cent mille morts (selon l'ONU) en grande majorité des Tutsis, et l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Paul Kagamé. A deux reprises, M. Sarkozy a été interpellé par le guide du musée sur le rôle de la France dans les événements de 1994. Depuis cette date, le régime de Paul Kagamé accuse la France de complicité dans le génocide pour avoir soutenu le régime de son prédécesseur Juvenal Habyarimana. Paris a toujours rejeté ces accusations.

UN PRÉSIDENT MUTIQUE

Devant une photographie montrant un véhicule militaire français passant devant un groupe de civils armés de fusils, accompagnée d'une légende indiquant que "la France a joué un rôle en armant et en entraînant les forces armées rwandaises", le guide lui a lancé: "Ici, c'est la responsabilité des Français". Nicolas Sarkozy est resté muet.

Le même guide lui a ensuite montré un portrait de l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan en rappelant à son visiteur que "lui a demandé pardon" pour les errements de la communauté internationale en 1994. Là encore, le président français n'a rien répondu. Avant de conclure sa visite, Nicolas Sarkozy a signé le livre d'or du mémorial. Il s'est ensuite rendu au palais présidentiel pour un entretien, un déjeuner et une conférence de presse avec son homologue Paul Kagamé.

La visite de M. Sarkozy, la première d'un président français depuis le génocide de 1994, intervient trois mois après la reprise officielle des relations diplomatiques entre les deux pays.

LEMONDE.FR avec AFP | 25.02.10 | 12h38 • Mis à jour le 25.02.10 | 13h55