RTBF.be/ Belga -  27 novembre 2015

A deux jours d'un sommet avec la Turquie à Bruxelles, les Européens sont divisés sur l'ampleur des concessions politiques et financières à faire à Ankara pour obtenir son aide face à la crise migratoire qui ébranle l'unité de l'UE.

Les tractations ne sont pas facilitées par le contexte international tendu après que la Turquie a abattu un avion russe près de sa frontière avec la Syrie, principale origine des flux de réfugiés vers l'Europe.

Freiner le flux migratoire
Le sommet de dimanche doit réunir à Bruxelles les dirigeants des 28 membres de l'UE et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.
"Pour l'Europe, ce sommet vise à freiner le flux migratoire, mais pour les Turcs il vise plutôt à revigorer leur processus d'adhésion" à l'UE, souligne une source impliquée dans les négociations.
Il faut "réinitialiser les rapports turco-européens qui ont souffert ces dernières années du refus de certains pays d'accepter une adhésion pleine de la Turquie à l'UE", confirme une source diplomatique turque.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et celui du Parlement européen, Martin Schulz, assisteront à la rencontre de dimanche, présidée par le président du Conseil européen, Donald Tusk.
Sous la pression de l'Allemagne, ce dernier a décidé d'organiser le sommet dimanche malgré la menace terroriste "possible et vraisemblable" qui continue de peser sur la capitale belge.
L'objectif est d'entériner le "plan d'action" déjà négocié par la Commission européenne avec la Turquie, qui liste une série d'engagements, comme celui par les Turcs de rendre leur frontière avec l'UE plus étanche et de réadmettre davantage de migrants illégaux l'ayant franchie.
Le sommet devrait aussi graver dans le marbre les trois milliards d'euros que les Européens sont prêts à débourser pour aider les Turcs à faire face à l'afflux de réfugiés sur leur sol.

Couloir de passage
Car si depuis janvier plus de 700 000 migrants ont gagné l'Europe depuis la Turquie, le pays accueille aussi plus de deux millions de réfugiés et demandeurs d'asile.
En accueillir davantage ou empêcher leur départ vers l'UE a un coût, qu'Ankara ne veut pas assumer seul. Le gouvernement islamo-conservateur turc ne veut pas rater l'occasion d'obtenir les fruits politiques de sa coopération.
L'UE s'est dite disposée à accélérer le processus déjà en cours visant à exempter à terme les citoyens turcs de visas pour voyager en Europe. Elle s'engagera aussi dimanche à "redynamiser" les négociations d'adhésion de la Turquie, au point mort depuis des années.

"On nous a dit que le chapitre 17 des négociations (politiques économiques et monétaires, ndlr) sera ouvert vers la mi-décembre", a déjà affirmé jeudi le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui ne fera pas le déplacement à Bruxelles.
Globalement d'accord sur le principe de ces ouvertures politiques, même si la Grèce et Chypre restent réticentes, les pays européens restent toutefois divisés sur la portée de leurs promesses et sur les conditions à poser.
"Nous ne voulons pas nous asseoir pour des discussions avec la Turquie en leur faisant penser qu'ils sont notre dernière chance", a récemment souligné le Premier ministre populiste hongrois Viktor Orban.

Reculs sur la liberté d'expression
L'UE a récemment fustigé "les graves reculs" de la liberté d'expression en Turquie et des "manquements significatifs" dans le domaine de l'indépendance de la justice. "Il est hors de question de brader" les principes de l'UE, en matière de droits de l'Homme, "sur l'autel des préoccupations migratoires", insiste une source européenne.

Côté financier, les trois milliards d'euros d'aide promis sont actés en principe. "Mais est-ce sur un an ou sur deux ans? Faut-il procéder par étapes? Le sommet laissera planer une ambiguité", explique une autre source européenne.

Les Etats membres ne devraient pas non plus trancher dimanche la question sensible de la provenance des fonds. La Commission européenne propose d'apporter 500 millions d'euros, issus du budget de l'UE, et demande aux Etats membres de verser le reste. Ils ne sont "globalement pas d'accord", prévient une source diplomatique.
Les tensions entre Turquie et Russie, alors que les Occidentaux tentent de mettre sur pied une coalition contre l'Etat islamique (EI), "vont encore compliquer un dialogue déjà difficile entre l'UE et la Turquie", note Ian Lessern, expert au German Marshall Fund à Bruxelles.
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