La Libre.be contribution externe -  24/04 - Une opinion de Pierre Mertens, écrivain.

On a commémoré, il y a peu, avec éclat et dignité, le vingt-cinquième anniversaire de l’un des plus effroyables génocides qu’aura connu un siècle qui n’en fut pas avare.

Ce fut l’occasion de porter un éclairage nouveau et impitoyable sur les responsabilités qu’endossèrent bien des États et des organisations internationales sur un événement où d’aucuns ne voient ‒ et ne veulent voir ‒ qu’une guerre civile entre deux ethnies africaines, alors qu’ils avaient permis par leurs alliances ou leur abstention que le pire pût s’accomplir.

Ce fut ainsi l’honneur de Charles Michel, notre Premier ministre, d’afficher la repentance de la Belgique pour n’avoir rien fait afin d’enrayer le processus mortifère.

On déplorera, à cet égard, l’étrange discrétion de notre grand voisin du sud, bien plus compromis que nous dans la réalisation du massacre puisqu’à l’ombre d’une opération (dite "turquoise") à vocation humanitaire, elle dissimula l’appui qu’elle apporta aux Hutus génocidaires et leur permit aussi de se mettre ensuite à l’abri de représailles.

La France de Monsieur Macron aurait eu quelque raison, cependant, de solliciter un pardon pour les exactions commises par celle des Mitterrand, Jupé et autres Védrine, à leur époque… Il n’importe : sur ce point, il y a quelque raison de penser que la vérité crue sera rétablie. Elle est "en marche" (!) et rien ne l’arrêtera.

Excellente initiative

Mais revenons à nous.

En 1981, notre législateur a opportunément adopté une loi (dite "Moureaux", mais dont Ernest Glinne était en fait l’inspirateur) réprimant toute dénégation et même la minimisation des génocides reconnus par une juridiction internationale. (Dans le cadre des législations "mémorielles" battant en brèche le négationnisme de la Shoah.)

La Chambre en élargit la portée en y incluant désormais les génocides rwandais et de Srebrenica, en ex-Yougoslavie. Excellente initiative même si elle arrive tardivement. Mais, tant qu’à faire, pourquoi ‒ encore une fois ‒ ne pas en élargir l’application au génocide arménien ? Au prétexte que celui-ci n’aurait pas été, à la différence des autres, en quelque sorte "officialisé" par une juridiction internationale ?

L’argument ne tient plus car le génocide perpétré par la Turquie appartient désormais à l’Histoire (tel celui accompli par les Khmers rouges au Cambodge, par exemple). Ce dont sont convenus, depuis que les archives sont accessibles, même certains historiens turcs, peu suspects de complaisance. Il n’est que d’irréductibles révisionnistes qui ne veulent pas l’admettre, pour des raisons le plus souvent bassement politiciennes.

Et qui tiendrait donc à faire croire, cyniquement, que s’il est des victimes couchées dans le sens de l’Histoire, il en serait d’autres vouées à demeurer désespérément couchées en travers ?