LaVie.fr- Sixtine Chartier - 28/11

Venue commenter sur France 2 la victoire de François Fillon, dont elle est la porte-parole, Valérie Boyer a fait sursauter les défenseurs d’une laïcité pure et dure sur les réseaux sociaux en arborant une croix dorée. Décryptage.

Dimanche 27 novembre au soir, Valérie Boyer commente sur France 2 la victoire de François Fillon à la primaire de la droite et du centre. Rien de très original à cela. Seulement, des téléspectateurs remarquent très vite le pendentif doré qu’elle porte au-dessus de sa robe : une croix arménienne, assez visible. Les réactions ne se font pas attendre sur les réseaux sociaux.

 

Captures d’écran à l’appui, les commentateurs, soucieux pour la laïcité, font remarquer le caractère « ostensible » de ce « signe religieux », comme l’essayiste féministe Caroline Fourest. Tout cela intervient dans un contexte où la très forte poussée du Sarthois a été souvent interprétée – avec effroi pour certains médias – comme le retour d’une certaine droite catholique. Durant l’entre-deux tours, outre de vifs débats sur les thèmes de l’avortement ou du mariage pour tous, les électeurs catholiques de droite avaient ainsi pu assister, médusés, à la querelle des deux candidats autour de la pensée du pape François.

Ostensible, mais pas hors-la-loi

Sur le plan juridique, ces réactions sont à côté de la plaque, affirme Éric Morain, avocat au Barreau de Paris, tout en s'étonnant de « ces gens qui veulent "être Charlie", mais pas pour la liberté religieuse, alors qu’elle est inscrite sur le fronton de notre République, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789... » L’article 10 dispose en effet que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

Par ailleurs, « le principe de neutralité s’applique à l’État et ses représentants – les agents publics –, mais pas aux usagers du service public ni aux simples citoyens », rappelle l’avocat. Or, les élus ne sont pas des agents publics, sauf lorsqu’ils agissent en tant que tel, comme le maire qui procède à un mariage civil par exemple. « Il y a des exceptions prévues dans la loi pour empêcher le prosélytisme : l’hôpital, l’école, les transports », explique encore Éric Morain. Quant au voile intégral, s'il est prohibé dans l’espace public, ce n'est pas en tant que signe religieux : son interdiction est légitimée dans une visée, là encore, d’ordre public, la règle étant de montrer son visage.

On peut toujours s’interroger sur le caractère « ostensible » – « ostentatoire » semble d'ailleurs être le terme juridique exact – de la croix de Valérie Boyer. Étymologiquement, le terme signifie « tendre en avant ». La croix a-t-elle été brandie par la députée des Bouches-du-Rhône ? Chacun jugera.

Que signifie cette croix arménienne ?

Interrogée en vidéo par FranceInfoPlus à la sortie du plateau, Valérie Boyer explique sereinement : « C’est quelque chose que je n’enlève jamais, pour dormir, pour me laver, pour me baigner, que j’ai toujours sur moi, vous pouvez le regarder sur les photos. Et je pense qu’il y a pas de commentaire à faire parce que c’est pas un symbole d’oppression, bien au contraire. » Pique aux défenseurs d'une laïcité perçue comme menacée par la croix (de fait symbole de libération pour les chrétiens), ou subtile allusion au port du voile ?

Quant au fait que sa croix soit celle des Arméniens, cela s'explique par le fait que la députée des Bouches-du-Rhône s’est engagée politiquement pour la reconnaissance du génocide arménien en 2011. Elle est maire des XIe et XIIe arrondissement de Marseille, où vit une forte communauté arménienne, arrivée en France pour fuir les persécutions qu’elle subissait en Turquie. Peut-être est-ce là aussi le sens de sa petite phrase sur « l’oppression », comme le note Ariane Bonzon sur le site Slate. Son port de la croix arménienne n’est donc peut-être pas si anodin, mais sans doute pas comme Caroline Fourest l’aurait imaginé.

Photo capture d'écran France 2