RTBF - 16/11

Ils étaient 21 en juin, ils sont 715 en octobre : le nombre de demandeurs d’asile turcs a décuplé depuis le coup d’Etat du 15 juillet en Turquie. Députés kurdes, journalistes, magistrats, avocats, enseignants… plus de 35 000 personnes ont été arrêtées.

Comme l’explique Cengiz Aktar, professeur de sciences politiques, "les gens ne sentent plus en sécurité, ni pour eux-mêmes, ni pour leur famille et même pour leurs biens, qui peuvent être confisqués. Les arrestations sont aléatoires et le recours au droit ne fonctionne plus. Et là où il n’y a plus de droit, on a du mal à y vivre."

La peur, même à Bruxelles

Ce journaliste turc réfugié à Bruxelles accepte de témoigner à condition de rester strictement anonyme : "Il n’y a plus aucun endroit ni média où vous pouvez vous exprimer du fond du cœur. Soit vous vous auto censurez, soit on vous censure, soit on vous jette en prison". Malgré son exil à Bruxelles, il craint encore des représailles contre sa famille restée en Turquie. Un autre de ses collègues était en voyage au moment du coup d’Etat. Il s’est réfugié en Belgique, auprès de cousins.

Mais l’attraction de la Belgique, que ce soit pour les opposants à la politique du président Recep Tayyip Erdogan, ou tout simplement pour les démocrates, c’est la proximité des institutions européennes. "Il est essentiel pour nous d’y témoigner de ce qui se passe en Turquie."

Bruxelles, centre européen de l’opposition

Le président Recep Tayyip Erdogan pointe du doigt la Belgique comme "centre important pour les terroristes du mouvement terroriste kurde PKK", mais aussi un "centre de l’organisation güléniste", soupçonnée d’avoir planifié le coup d’Etat du 15 juillet dernier. Quinze députés kurdes ont été arrêtés, dont dix sont toujours emprisonnés. Trois de leurs collègues sont actuellement à Bruxelles et savent que s’ils rentrent, ils risquent le même sort. La chasse du pouvoir s’étend bien au-delà de tout sympathisant à Fethullah Gülen, à toute personne critique envers le pouvoir. Un pouvoir de plus en plus autocratique, nationaliste et religieux. La Turquie est-elle encore un Etat de droit ?