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Le 27 septembre à l’aube, l’Azerbaïdjan a lancé une offensive militaire contre le Haut-Karabakh d’abord le long de la ligne de contact puis à l’intérieur des terres en bombardant non stop la capitale Stepanakert dont la population a du se réfugier dans les sous-sols. Trois semaines plus tard, les combats sont plus meurtriers que jamais et le nombre de victimes ne cesse d’augmenter.
De nombreux médias occidentaux présentent le conflit comme « incroyablement compliqué ». En vérité, il a été rendu confus par l’énorme désinformation et propagande de guerre. Nous essayons de clarifier quelques points clés ci-dessous.
Les combats n’ont pas « éclaté » spontanément : ils sont le résultat d’une attaque planifiée
L’offensive a été lancée après des années de rhétorique belliqueuse, de provocations sur la ligne de contact et récémment les exercices militaires conjoints des forces turques et azerbaïdjanaises avec une semaine de préparation intensive. Circonstance aggravante, l’Azerbaïdjan a voulu profiter de la crise du COVID dans l’espoir que la fermeture des frontières empêcherait les approvisionnements logistiques en Arménie et au Haut-Karabakh (NKR). Les analystes du Caucase du Sud sont d’accord pour dire que les hostilités ont été lancées par l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’ayant aucun motif ni intérêt à déclencher la guerre. Le président français Emmanuel Macron et Mike Pompeo ont confirmé que c’est bien l’Azerbaïdjan qui avait attaqué le Karabakh, et non l’inverse.
Il convient de noter que, depuis 2016, la partie arménienne demande l’installation sous les auspices de l’OSCE d’un système de surveillance sur la ligne de contact pour prévenir l’escalade et traquer les violations du cessez-le-feu. A chaque fois, sa demande a été rejetée par l’Azerbaïdjan. L’absence de contrôle permet à Bakou d’accuser les forces du NKR d’avoir rompu le cessez-le-feu et de créer la confusion dans les médias internationaux.
La Turquie participe à cette guerre
L’escalade a été aggravée par la présence en Azerbaïdjan d’unités de l’armée turque, y compris de l’armée de l’air, qui sont restés sur place après les exercices militaires du mois d’août dernier. Aucune explication officielle n’a été donnée pour justifier le maintien de ces unités en Azerbaïdjan. Des avions de chasse turcs F-16 participent au conflit. L’un d’eux a abattu le 29 septembre un Sukhoy 25 arménien à l’intérieur de l’espace aérien arménien (et donc, pas au NKR). Des officiers turcs expérimentés sont présents aux côtés de leurs collègues azerbaïdjanais et les services de renseignement turcs assistent les forces azerbaïdjanaises. Bakou utilise aussi constamment des drones turcs contre les forces arméniennes.
L’implication de djihadistes dans la guerre.
Il est prouvé que la Turquie a transféré un grand nombre de mercenaires djihadistes – plus de 1000 – de Syrie et de Libye en Azerbaïdjan pour lutter contre les Arméniens du Haut-Karabakh. Leur présence a été attestée par plusieurs journalistes internationaux présents sur place et par le gouvernement français. Ces combattants endurcis, fanatiques et déséquilibrés introduisent une nouvelle dimension dans le conflit et l’on sait le sort des soldats et civils arméniens qui tomberaient entre leurs mains.
L’attaque vise à conquérir le Haut-Karabakh et à éliminer sa population
Le président azerbaïdjanais a clairement déclaré que les négociations étaient inutiles et qu’il a entrepris de « libérer » sa terre de la présence ennemie. Les Arméniens sont convaincus de ses intentions génocidaires. Au cours des 20 dernières années, Bakou a tenu constamment un discours de haine violemment anti-arménien, et commis des atrocités à l’encontre des prisonniers et des civils arméniens.
Crimes de guerre et violations des droits de l’Homme
Depuis le début du conflit, des violations massives des droits de l’homme sont commises contre les civils du HKR. Les villes et en particulier la capitale Stepanakert, sont bombardées méthodiquement bien qu’elles ne comportent aucune cible militaire. Amnesty International a dénoncé l’utilisation systématique de bombes à sous-munitions interdites par le droit international.
Dans la ville de Hadrut, au NKR, un groupe de soldats azerbaïdjanais a capturé des prisonniers de guerre arméniens et les a éxécutés, enveloppés dans le drapeau national arménien en filmant la scène. C’est un exemple parmi d’autres de violation du droit humanitaire, des droits de l’Homme, et des Conventions de Genève. Des enquêtes sont en cours concernant des cas similaires. Par ailleurs, des bombardements de l’armée azerbaîdjanaise ciblent les civils. Environ la moitié de la population du NKR a déjà été évacuée vers l’Arménie (environ 75 000 personnes) et les hôpitaux soignent de nombreux civils blessés dans les attaques. La dernière attaque aérienne par un drone turc a frappé un hôpital, autre crime de guerre dont les auteurs devront être traduits en justice.
L’Azerbaïdjan n’est pas en train de « récupérer son territoire »
L’affirmation selon laquelle « le NKR serait internationalement reconnu comme faisant partie de l’Azerbaïdjan » est fausse. Le statut du NKR n’a pas été déterminé. Il est en cours de négociation, sous les auspices du Groupe de Minsk de l’OSCE présidé par la France, les États-Unis et la Russie. Les textes de l’OSCE et de l’ONU mentionnent à la fois le principe de « l’intégrité territoriale » et du « droit des peoples à l’autodétermination ». Le but des négociations est précisément d’essayer de concilier ces principes contradictoires du droit international.
Si les négociations n’ont pas progressé au cours des 20 dernières années, c’est en grande partie à cause du refus de l’Azerbaïdjan d’associer les représentants du NKR aux négociations et d’offrir une garantie pour la sécurité de la population arménienne. A l’inverse, les Arméniens du NKR ont toujours appelé à la poursuite des négociations et se sont dits prêts à des compromis raisonnables.
Rien en tous cas ne peut justifier le bombardement aveugle de territoires civils ou le ciblage d’infrastructures civiles comme les hôpitaux.
L’UE et d’autres acteurs de la communauté internationale encouragent les agresseurs
La situation est exacerbée par l’attitude indécise et passive des acteurs internationaux comme l’UE, le Conseil de l’Europe, l’ONU et l’OSCE, qui se contentent de formules standard appelant à la fin des combats et à la reprise des négociations, en renvoyant dos à dos les deux parties. Dans le contexte de guerre totale dont est victime le Haut-Karabakh, cela revient à encourager l’agression, les violations massives des droits de l’homme et l’importation de djihadistes dans le Caucase.
L’Azerbaïdjan a toujours eu un piètre bilan en matière de droits de l’Homme encore aggravé depuis la venue au pouvoir du clan Aliev il y a un quart de siècle. La torture et les mauvais traitements y sont monnaie courante selon le Comité de prévention contre la torture du Conseil de l’Europe, le CPT. Selon le Conseil de l’Europe, l’Azerbaïdjan compte le plus grand nombre de défenseurs des droits de l’Homme, d’opposants et de journalistes emprisonnés.
En tant que vieille nation à la civilisation millénaire et citoyens d’une jeune démocratie, les Arméniens se sentent proches de l’Europe et s’identifient à ses valeurs pour lesquelles ils sont en train de se battre. Ils ne comprennent pas dès lors l’indifférence et le silence assourdissant de l’Europe dans ce conflit entre David et Goliath.
Nicolas Tavitian
President of the Committee of the Armenians of Belgium