La pression est forte sur la Suisse pour qu'elle fasse recours contre le verdict de Strasbourg dans l'affaire Perinçek.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, la Suisse a violé le droit à la liberté d'expression du nationaliste turc en le condamnant pour discrimination raciale. Il avait qualifié le génocide arménien de «mensonge international».

Une pétition munie de plus de 10'000 signatures a été adressée à la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et de nombreuses personnalités d'horizons divers se sont exprimées pour enjoindre la Suisse de faire appel devant la Grande Chambre de la CEDH. Le délai échoit le 17 mars.

Devoir moral

Pour tous ces intervenants, la Suisse doit poursuivre son combat. The International Institute for Genocide and Human Rights Studies a même acheté une pleine page dans la «NZZ» de jeudi pour défendre son point de vue, appuyé par la signature d'une quarantaine d'universitaires. «Le gouvernement suisse a le devoir moral de recourir contre la décision de la Cour et de défendre ses lois contre le racisme», affirme le texte.

Président du Parti des travailleurs de Turquie, Dogu Perinçek a été condamné en mars 2007 par le Tribunal de police de Lausanne à 90 jours-amendes avec sursis pour discrimination raciale et 3000 francs d'amende. Le verdict a été confirmé ensuite par le Tribunal fédéral, mais un recours a été déposé à Strasbourg.

Graves déficiences

En Suisse, l'Association Suisse-Arménie a envoyé une prise de position à la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) qui doit trancher. Selon l'ASA, la décision de la Cour «comporte de graves déficiences à la fois sur la procédure et sur le fond».

Strasbourg aurait commis «des inexactitudes historiques et conceptuelles». Les preuves du génocide des Arméniens sont «irréfutables» et «la hiérarchisation» des génocides» n'a pas lieu d'être, remarque l'ASA en se référant aux commentaires d'experts.

Régression dénoncée

Ne pas recourir aurait aussi un impact sur la Suisse elle-même, poursuit l'ASA. Admettre le jugement de décembre contribuerait à «faire régresser» le dispositif juridique helvétique. Berne reviendrait sur ses engagements internationaux visant l'élimination de toute discrimination raciale.

Pour rappel, l'article 261 bis du Code pénal suisse punit celui qui aura publiquement abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion. Il sanctionne aussi celui qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité.

Ankara va présider le G20

L'ASA craint que le dossier ne fasse les frais des grands enjeux géopolitiques, en particulier des relations entre la Suisse et la Turquie. En recevant en octobre dernier son homologue turc Ahmed Davutoglu, le conseiller fédéral Didier Burkhalter avait souligné la volonté de faire de la Turquie «un partenaire stratégique», rappelant qu'Ankara présiderait le G20 en 2015.

(ats)

6 mars 2014

20Minutes.ch