Le Soir – 2 mai 2015. Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef

L’histoire se déroule il y a quelques années. Le droit de vote venait d’être accordé aux étrangers. Le Soir avait soutenu l’idée, comme un élément clé du dispositif permettant l’intégration. Après les premières élections suivant ce momentum, une enquête sur le terrain bruxellois nous faisait conclure que certains partis n’avaient pas été très regardant sur le pedigree ou les idées de certains candidats, choisis surtout pour leur popularité dans certains quartiers.

PS et CDH apparaissaient comme ayant largement usé de la technique, sans vraiment se soucier par exemple – nous l’évoquions à l’époque – de leur avis sur le génocide arménien.

Si au lieu de juste s’insurger contre nos conclusions, les responsables de ces partis s’étaient efforcés de faire coïncider les convictions défendues par leur parti, avec celles de tous les candidats sur leurs listes, ils n’auraient pas aujourd’hui à s’embourber dans cette mascarade de la « minute de silence pour le génocide arménien ». L’épisode du Parlement bruxellois où chacun fut invité par le président à faire silence pour ce qui l’arrange, est une insulte à l’intelligence du citoyen.

Les dirigeants du PS ne découvrent ainsi pas du tout le problème. C’est en connaissance de cause, qu’ils vivent avec cette bombe à retardement, misant sur le fait sans doute que le génocide arménien ne fait pas débat tous les dimanches. Ce qui semble aujourd’hui surtout gêner, c’est que cette dissidence s’exprime en plein jour.
Va-t-on forcer ces élus à changer d’avis ? Leur recommander de la jouer discrète ? Histoire que le temps passe ? Mais personne n’aura oublié, et le manque de maîtrise de ces questions pourrait toucher d’autres différends « culturels » que le génocide arménien, dans plusieurs partis. Or ce sont ces faux fuyants, ces instrumentalisations électoralistes qui minent l’amour du politique.

En dissimulant les problèmes, en niant leur réalité par peur de perdre des voix, les partis ne font que gagner un peu de temps, voire une élection, pour mieux scier ce qu’ils ont de plus précieux pour assurer leur pérennité : leur crédibilité et leur âme. La règle des convictions partagées et le refus des accommodements non raisonnables avec l’éthique du parti, vaut pour toutes les catégories de candidats, les parvenus autrefois, Emir Kir & co aujourd’hui.