« France-Arménie » - Anne-Marie Mouradian - Décembre 2016

Face aux purges et à la répression de masse en Turquie, l’Europe n’a décrété aucune des sanctions prises à l’encontre de la Russie. Le double standard règne.

Autre Etat en froid avec les droits de l’Homme, l’Azerbaïdjan vient d’obtenir l’ouverture de négociations d’accord d’association avec l’UE.

Pas d’interdictions de visa ni de gel des avoirs d’officiels turcs, pas de sanctions économiques cblées. 

La démocratie meurt en Turquie mais l’UE qui a longtemps voulu voir en Recep Erdogan un musulman-démocrate, comme il existe des chrétiens-démocrates, s’est limité à exprimer « sa préoccupation» », puis « sa grande préoccupation », suivie de « son extrême préoccupation » ironise le politologue turc Cengiz Aktar.

Si le Parlement européen demande le gel du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE et la Commission de Bruxelles dénonce un “ sérieux retour en arrière ” par rapport aux critères européens, la décision de suspendre les négociations appartient aux Etats membres. Le commissaire européen à l’Elargissement, l’Autrichien Johannes Hahn, espérait obtenir un mandat « pour dire vraiment ses quatre vérités à la Turquie ». Il n’en est rien. Excepté l’Autriche qui affiche une ligne dure, la plupart des Vingt-Huit, même ulcérés par le chantage migratoire du président Erdogan, insistent pour ne pas couper les ponts. Un consensus s’est fait autour de la proposition du chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, de laisser les Turcs décider eux-mêmes s’ils veulent poursuivre ou pas les discussions avec l’UE.

« Les indignations morales ne servent à rien. Pourquoi geler des négociations qui ne tiennent plus qu’à un fil ? Celui-ci se brisera tout seul si Ankara réintroduit la peine de mort », commente un diplomate. Le calcul n’est pas dénué de cynisme, estime Cengiz Aktar. « Plus la situation se détériore, plus certains en Europe notamment chez les démocrates chrétiens, jubilent en se disant qu’ils vont enfin être débarrassés de la question de l’adhésion turque ».

Ankara continue pendant ce temps à exporter ses violentes campagnes de haine: le 17 novembre à Bruxelles, l’institut Kurde déjà attaqué à plusieurs reprises, était à nouveau la cible de manifestants pro-Erdogan chauffés à blanc.

Négociations avec Bakou

Tandis qu’Ankara s‘éloigne de l’Europe, Bakou chercherait à s’en rapprocher. Après avoir entamé comme les autres Etats du Partenariat oriental, mais sans grand intérêt, des négociations d’accord d’association avec l’UE, l’Azerbaïdjan les a gelées en 2014 suite à une résolution du Parlement européen condamnant ses violations des droits de l’Homme.

Le coup de froid étant passé et les revenus du pactole pétrolier diminuant, Bakou est aujourd’hui demandeur d’un nouvel accord avec l’Europe et d’investissements étrangers. Les Vingt-Huit, les yeux fixés sur le pétrole et le gaz de la Caspienne, ont donné leur feu vert alors que le régime Aliev accentue sa répression et menace d’une nouvelle guerre, la population du Haut-Karabagh. Les discussions avec l’UE devraient démarrer au premier semestre 2017. Ce devrait être l’occasion, soulignent des organisations comme Human Rights Watch, « d’insister sur un meilleur respect des droits humains en tant que condition préalable à un nouveau partenariat ».

Bakou, aussi peu réceptif qu’Ankara au discours européen sur le sujet, intensifie en revanche ses réseaux. En présence du ministre belge des Affaires étrangères, « The European Azerbaijan Society » a récemment inauguré ses nouveaux bureaux à Bruxelles. Dirigé par son fondateur, le millionnaire Tale Heydarov, fils de Kamaladdin Heydarov ministre des Situations d’urgence et proche du président Aliev, TEAS est présenté par les associations des droits humains, comme un instrument très actif de la « caviar diplomacy ».

Photo: La Haute Représentante de l'UE à Bakou - © eeas.europa.eu